Sur les softs skills...
À la fois concept fourre-tout et clés essentielles pour le travail et la réussite professionnelle, les soft skills ont une forte dimension humaine et ça compte d'autant plus à l'ère de l'IA...
3/12/202516 min read


Contexte et définitions
Le terme de soft skills aurait émergé aux USA à la fin des années 1960 précisément dans le contexte de la guerre du Vietnam pour appréhender les compétences non techniques dans la formation des soldats de l’armée américaine. Il s’agissait de qualifier les compétences n’incluant pas d’interaction directe avec une machine mais décisives : gestion et motivation des hommes, pensée stratégique, collaboration etc. Comme souvent, pour le pire mais aussi le meilleur, des idées et des inventions émergent au gré des guerres et des opérations militaires et elles marquent ensuite profondément nos sociétés et notre monde.
À y regarder de plus près, les soft skills existent de fait depuis que les personnes interagissent pour survivre, pour vivre, pour s’adapter. Elles existent depuis la nuit des temps. Pas de grandiloquence au sujet des soft skills mais admettons qu’elles ont émergé comme concept au cours de ces dernières décennies au gré de l’intérêt croissant à leur égard dans le monde du travail. Aujourd’hui, l’intérêt va en grandissant dans les arènes professionnelles, dans les processus de recrutement, comme critères pour les postes à pourvoir, comme compétences parmi les plus recherchées dans les entreprises et les organisations de tous genres.
Elles sont recherchées par les recruteurs et elles seront de plus en plus valorisées dans le contexte du développement de l’intelligence artificielle (IA), puisqu’elles sont des compétences à forte dimension humaine. Au vu de la progression de l’IA, les soft skills prennent d’autant plus de valeur en parallèle.
Jérémy Lamri, chercheur et entrepreneur français spécialiste du développement de l’employabilité, explique que les compétences de plus en plus essentielles et valorisées (« les compétences du 21e siècle ») sont « liées à notre capacité à apprendre, réfléchir et interagir pour agir efficacement et intelligemment dans n’importe quelle situation. »[1]
On entre là dans le champ foisonnant des soft skills qu’on définit ici comme les « Compétences qui nous permettent de nous adapter avec succès dans un contexte sociotemporel donné, en sollicitant et en combinant nos capacités à réfléchir et interagir avec autrui. »[2]
Les soft skills comportent les dimensions suivantes :
- Cognitives, liées au fonctionnement de notre cerveau pour raisonner, acquérir des connaissances et interagir avec notre environnement. Nous notons les capacités de perception, d’attention, de concentration, de mémoire, les fonctions visuo-spatiales ainsi que le langage ;
- Relationnelles/Interpersonnelles, avec les interactions avec une ou plusieurs personnes dans le temps court et prolongé en établissant et maintenant des relations ;
- Comportementales, en lien là aussi avec les interactions ;
- Émotionnelles, à partir des émotions que l’on ressent et celles des personnes avec lesquelles on interagit (reconnaître, comprendre, exprimer, gérer les émotions).
Différentes appellations sont utilisées en français pour désigner les soft skills, littéralement les « compétences douces » : compétences comportementales, transversales, humaines. La notion de « savoir-être » est parlante pour parler des soft skills mais elle est quelque peu réductrice. Le recours au terme anglais « soft skills » dans la littérature francophone est fréquent et nous nous y tenons ici. Si on n’utilise pas le terme anglais de soft skills, quelle traduction vous paraît-elle la plus pertinente ?
Les soft skills sont proches aussi des compétences psychosociales telles que formulées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) : « la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C’est la capacité d’une personne à maintenir un état de bien-être subjectif qui lui permet d’adopter un comportement approprié et positif à l’occasion d’interactions avec les autres, sa culture et son environnement. »[3] L’OMS a établi une liste de 10 compétences réparties en paires et qui se recoupent avec des soft skills abordées dans le présent module : savoir résoudre des problèmes/savoir prendre des décisions ; pensée créative/pensée critique, communiquer efficacement/être habile dans les relations interpersonnelles ; conscience de soi/empathie ; réguler ses émotions/gérer son stress.
Ces compétences se recoupent en partie avec les soft skills et avec les life skills (« compétences de vie ») qui sont un ensemble de compétences nécessaires pour gérer la vie quotidienne de manière efficace, sur le plan individuel et dans la sphère sociale. Les life skills sont plus générales que les soft skills qui ont un accent professionnel plus marqué.
Les soft skills sont complémentaires entre elles et avec les compétences académiques et techniques : savoir-connaissances, hard skills (compétences dures, fortes) / savoir-faire nécessaire à l’exécution de certaines tâches pour une activité ou un travail spécifique.
Les soft skills peuvent sublimer les hard skills et inversement : par exemple, « La diplomatie sans la technique n’est qu’un bavardage. »[4] rappelle Gérard Araud, ancien diplomate français.
Enfin, outre les hard et soft skills, le terme de mad skills a émergé depuis les années 2010[5] : « mad » dans le sens de très spécial, d’atypique au cœur de la concurrence des candidats et de la recherche de talents et de profils exceptionnels.
● Pas de taxinomie consensuelle ni exhaustive
Il existe une multitude de classifications et de référentiels de soft skills, pas de liste arrêtée de compétences ni de méthode providentielle. Aucun système d’identification, de développement et d’évaluation des soft skills ne fait l’unanimité. Tout cela laisse libre cours à toutes sortes d’approches et de listes fourre-tout, ce qui peut apporter de la confusion et de la méprise et toutes sortes d’approches contradictoires.
On trouve dans la littérature spécialisée ou sur internet des listes de soft skills qui comprennent un socle récurrent de compétences telles que l’adaptabilité, l’esprit critique, la créativité, la communication, la collaboration, la coopération, l’intelligence émotionnelle, le leadership. L’éthique est vue par certains aussi comme une soft skill… tout comme la cohérence, l’intuition, la mémoire, la concentration, l’audace, etc.
Mis à toutes les sauces, on peut dès lors se demander si les soft skills ne seraient-elles pas un concept bullshit comme le font les auteurs de l’ouvrage Le défi des soft skills : comment les développer au XXIe siècle ? Ils y répondent par la négative, en confirmant qu’il a toute sa valeur et son utilité même si en effet on peut y mettre et en faire à peu près ce qu’on veut. « Le terme "soft skills" est devenu si générique que dans un grand nombre de cas, il est évoqué à mauvais escient et, en outre, il est de plus en plus utilisé pour des raisons commerciales. (…) Les soft skills constituent en quelque sorte le nouveau graal de la compétitivité des organisations. (…) Sans consensus, difficile de s’accorder sur une liste claire ou encore sur des méthodes d’identification ou de développement. (…) Malgré la grande quantité de synonymes ou d’expressions traduites qui existent en langue française, nous n’avons pas de meilleur terme à proposer que le terme "soft skills" lui-même pour définir l’ensemble des compétences permettant de réfléchir et d’interagir de manière appropriée dans un contexte inédit, de sorte à s’adapter et apprendre. Il est possible de critiquer le terme "soft skills", mais il sera plus compliqué de critiquer le concept : ces compétences sont en effet présentes dans tous les aspects de notre vie, que ce soit dans la sphère personnelle ou professionnelle. »[6]
Cela est corroboré par les auteurs de l’ouvrage Développer ses compétences comportementales, un enjeu pour sa carrière : « À l’heure où l'industrie 4.0 et son lot de robotisation des tâches questionnent la place et la contribution de l’Homme au travail, ces compétences sont une ancre sur l’utilité et l’irremplaçabilité humaine dans une économie de plus en plus technologique. Elles sont une certaine forme de vie, le supplément d’âme au travail. C’est justement parce qu’elles disent quelque chose de notre humanité que les soft skills ne peuvent être juste une pratique (ou science ou discipline) à même de forger une singularité : elles sont aussi une éthique. »[7]
Les soft skills sont :
- Indispensables pour la vie professionnelle et personnelle et essentielles quel que soit le secteur ou la thématique de travail, le métier, la mission : d’une manière ou d’une autre, on a forcément recours à nos soft skills ;
- Transversales, complémentaires et interreliées : elles ne peuvent être considérées en vase clos, elles sont reliées entre elles et s’alimentent les unes des autres, étant utilisées de différentes manières selon les tâches et les fonctions ; développer telle compétence permet de progresser sur telle autre compétence (exemples : collaboration et esprit d’équipe, curiosité et ouverture d’esprit, communication et gestion des émotions).
Les soft skills ne sont pas :
- Des traits de personnalité : ceux-ci font partie de nous de manière intrinsèque alors que les soft skills impliquent l’acquisition et le développement de compétences (exemple : une personne est introvertie – trait de personnalité – mais développe ses capacités relationnelles, sa communication verbale, son leadership) ;
- Un ensemble de compétences a priori : les soft skills prennent leur sens une fois contextualisées et appliquées par les personnes ;
- Un prêt-à-penser à partir duquel nous devrions nous conformer sans examen critique et en dehors de tout contexte.
Il n’y a pas une seule manière – qui plus est décontextualisée – d’aborder et de mettre en pratique les soft skills mais diverses manières d’incarner et d’appliquer ces compétences comme il n’y a pas une manière d’être humanitaire, bureaucrate, etc. : « Il n’y a pas une manière d’être diplomate, cet étrange métier dont l’objectif premier est de capter la confiance de l’autre, qu’il soit un officiel ou un journaliste. On ne peut y parvenir qu’en étant véridique, et comment l’être sans être soi-même ? (…) Vous pouvez y parvenir, quelle que soit votre personnalité, à condition de savoir canaliser les qualités et dominer les défauts de celle-ci. Dans une négociation, nul ne devinerait mon impatience à me voir écouter religieusement un raisonnement que j’ai déjà entendu maintes fois. Il y a donc autant de manières de négocier ou d’être ambassadeur que de personnalités. »[8] Gérard Araud
Apprentissage et diversité des êtres et des parcours de vie
« Il faudra toujours continuer à apprendre et à te perfectionner, et ce n’est pas à l’école que tu pourras le faire. L’école donne des diplômes, mais c’est dans la vie qu’on se forme. » Amadou Hampâté Bâ
« L’essentiel est d’être à l’écoute de son rythme propre et d’essayer de vivre en le respectant. Nos actes ne sont souvent qu’imitation, devoir supposé ou représentation erronée de ce que doit être un être humain. Or la seule vraie certitude touchant notre vie et nos actes ne peut venir que des sources qui jaillissent au fond de nous-mêmes. » Etty Hillesum
L’apprentissage des soft skills commence dès le plus jeune âge et au fur et à mesure, au fil du quotidien et des expériences dans la vie de tous les jours et du parcours de chacun·e, à travers les interactions sociales, les activités citoyennes, artistiques, sportives ou autres, et par une conscience de soi et une réflexivité individuelle. Tout est matière à apprendre et progresser. Chaque individu a des prédispositions ou des facilités pour telle ou telle soft skill et elles se développent peu ou prou également en fonction de facteurs individuels, sociaux, culturels, environnementaux. C’est la part riche des soft skills où tout ou presque est occasion d’apprendre à leur sujet et nous concernant : elles s’acquièrent et se développent au fil des expériences et sur le temps long.
Elles sont marquées en outre par des dimensions biographiques et psychologiques. Les soft skills ont trait au fonctionnement de l’être humain dans sa singularité et son humanité partagée, avec ses perceptions, ses manières de voir, sa vision du monde, ses valeurs, sa sensibilité, sa personnalité, son caractère. On ne peut se soustraire au cœur de nos êtres, de nos vies, de nos héritages, de nos environnements.
Pour revenir à l’apprentissage, on apprend par l’observation, l’acquisition des connaissances et l’expérimentation. Entre nécessité et adaptation, curiosité, ouverture et motivation, apprendre est un processus continu. Et « La capacité à "apprendre à apprendre" devient la compétence centrale d’un individu pour lui permettre de maintenir la qualité de son portefeuille de compétences, continuer à se perfectionner et ainsi sécuriser son adaptabilité et donc son employabilité. »[9] affirment Michel Barabel et Olivier Meier.
Certaines manières d’apprendre marchent mieux pour les uns, d’autres pour les autres et il s’agit d’appréhender la diversité humaine. Nous avons toutes et tous des ressources, des forces, des talents, des qualités et des failles, des défauts, des obstacles, nous sommes tous imparfaits, paradoxaux, contradictoires, avec les richesses et les difficultés de nos parcours et moult exemples et contre-exemples de ce qui marche, de ce qu’il faudrait faire ou pas, de comment il faut se comporter, réfléchir, dire ou ne pas dire selon la situation, le contexte… Et ce qui est de l’ordre de l’échec peut être une opportunité avec la capacité à apprendre de ses erreurs et essayer de nouvelles approches, de fonctionner et faire différemment : « L’erreur est une condition de vie aussi importante que la vérité. » Carl Gustav Jung
De plus, il y a l’apprentissage sur soi qui suppose d’avoir la conscience de soi et donc une part d’introspection et d’exercice de vérité, comme le dit Edgar Morin : « La pratique mentale de l’auto-examen permanent de soi est nécessaire, car la compréhension de nos propres faiblesses ou manques est la voie pour la compréhension de ceux d’autrui. Si nous découvrons que nous sommes tous des êtres faillibles, fragiles, insuffisants, carencés, alors nous pouvons découvrir que nous avons tous un besoin mutuel de compréhension. L’auto-examen critique nous permet de nous décentrer relativement par rapport à nous-mêmes. »[10] (…) « Il existe de plus en chaque esprit une possibilité de mensonge à soi-même (self-deception), qui est source permanente d’erreurs et d’illusions. L’égocentrisme, le besoin d’autojustification, la tendance à projeter sur autrui la cause du mal font que chacun se ment à soi-même sans détecter ce mensonge dont il est pourtant l’auteur. »[11]
Cela exige d’affiner son discernement au fil de l’apprentissage à partir de notre compréhension parcellaire des choses et des êtres à commencer par soi. Notre apprentissage est ralenti ou obstrué par nos biais et nos « erreurs mentales », notamment avec la mémoire qui nous joue des tours et cela ne commence pas quand on prend de l’âge. Edgar Morin explique que « Notre mémoire est elle-même sujette à de très nombreuses sources d’erreurs. Une mémoire, non régénérée par la remémoration, tend à se dégrader, mais chaque remémoration peut l’enjoliver ou l’enlaidir. Notre esprit, inconsciemment, tend à sélectionner les souvenirs qui nous sont avantageux et à refouler, voire effacer, les défavorables et chacun peut s’y donner un rôle flatteur. Il tend à déformer les souvenirs par projections ou confusions inconscientes. Il y a parfois de faux souvenirs qu’on est persuadé d’avoir vécu, comme des souvenirs refoulés qu’on est persuadé de n’avoir jamais vécus. »[12]
C’est aussi et surtout dans les interactions, les échanges et nos relations que l’on va apprendre et se rencontrer nous-mêmes. Il est intéressant de voir comment d’autres personnes nous perçoivent pour identifier des angles morts dans ses compétences et ses comportements. Cela aide à avoir une vision plus distanciée et objective de soi-même. L’apprentissage et la progression se font au contact de personnes d’horizons divers au détour d’une conversation avec un·e inconnu·e ou quelqu’un qu’on a toujours connu, de telle ou telle origine ou culture. La dimension interculturelle dans les relations professionnelles imprègne bien souvent le monde du travail et les soft skills contribuent à la vivre de manière positive et enrichissante.
Enfin, pour le développement des soft skills, l’école et les études sont des leviers quand bien même celles-ci ne s’apprennent pas en tant que telles par des cours spécifiques. Il existe des tests, des outils et des formations en présentiel ou en ligne dont certains sont destinés aux étudiants ou aux professionnels.[13]
Développement de soi, entre évolution et transformation
On entend par « développement de soi » la connaissance de soi et l’amélioration de son être et la convergence de son potentiel, de ses talents et de ses capacités afin d'être plus en phase avec sa vie personnelle et professionnelle (ses besoins, aspirations, objectifs, responsabilités etc.).[14]
Nous l’évoquons ici en lien avec le travail et la vie professionnelle même s’il ne peut être pensé séparément du reste et donc de la dimension personnelle. Et le développement de soi n’est pas pensé que dans un sens autocentré : ce n’est pas que pour soi mais aussi tourné vers les autres, ainsi en étant plus compétent et cohérent dans nos soft skills, cela aura des répercussions positives sur le travail et auprès de nos collègues et autres interlocuteurs.
Sur le plan professionnel, on se développe avec l’acquisition de nouvelles compétences et aptitudes et le développement de celles qu’on a déjà : on renforce nos capacités pour interagir et s’adapter au fil de ce que l’on vit et accomplit au travail et en dehors. Et on se développe au fil des expériences qui nous façonnent et influent sur la manière de traiter des sujets sur lesquels on travaille et sur notre rapport à notre travail et notre parcours de vie.
C’est un processus dynamique et un chemin non linéaire qui, au fil de notre évolution, renvoie par ailleurs à la possibilité de se « transformer » : il s’agit de ne pas s’enfermer dans une quête de perfection qui épuiserait ou de conformisme qui annihilerait ce qui fait notre richesse et notre singularité.
« Se transformer soi-même pour transformer le monde » nous dit Edgar Morin. Il peut y avoir cette aspiration à transformer ou réparer le monde, à petite ou plus grande échelle. On se transforme, du moins on évolue au fil de nos parcours et je l’ai moi-même expérimenté en vivant à l’étranger puis en rentrant en France et cela continue. Je dis cela ici pour souligner qu’un parcours à l’international de courte ou plus longue durée participe au processus de développement de soi et également de ses soft skills ; ainsi des expériences interculturelles, dans son propre pays ou à l’étranger (cela fera l’objet d’un autre texte). Je termine ici en reprenant les mots de Jean-Baptiste Lacombe de la Croix-Rouge canadienne dans son témoignage dans le bel ouvrage collectif Humanitaires. Partir, revenir, mourir un peu : « Il y a un océan entre celui que je suis maintenant et celui qui partait pour la première fois en Afrique pour faire de l’aide humanitaire. »[15]
La course aux soft skills ?
Développer nos soft skills se fait à la fois dans l’instant et sur le temps long et cela suppose de la patience. On peut néanmoins identifier nos points de progression prioritaires et être proactif en visant à travailler dessus parce qu’on veut s’améliorer dans ce que l’on fait et ce que l’on est mais sans pour autant chercher à être quelqu’un d’autre, quelqu’un de factice.
Et nous devons faire attention à l’injonction de performance et les turbulences et l’anxiété que cela peut entraîner : on fait comme on peut aussi, attention à l’excès de pression au travail et aux risques d’épuisement et de burn-out, d’autant que tout ne dépend pas que de nous (conditions et environnement de travail, hiérarchie, équipe, etc.).
Pour illustrer notre approche sur les soft skills, cet extrait fait sens : « La course aux soft skills ne nous entraîne-t-elle pas dans une quête de la perfection dans laquelle chacun risque de s’épuiser ? Sous couvert de développement, ne vit-on pas plutôt une injonction à la performance ? Le collaborateur lambda n’est-il pas en train de devenir un sportif de haut niveau, au risque de l’usure professionnelle et d’un modèle de performance peu durable ? À quel point le besoin de performance individuelle et collective se connecte-t-il à l’importance du bien-être de chacun, et d’un "savoir-vivre-ensemble" réinventé ? En pleine conscience de ces problématiques, nous avons choisi (…) une approche « humaniste » des soft skills. Développer ce type de compétences doit avoir pour objectif premier un meilleur alignement avec soi-même (mettre en congruence sa tête, son cœur et son corps) et avec son environnement. Il s’agit de se développer en vue d’agir envers les autres et envers soi-même de manière vertueuse. Développer les soft skills : ce n’est pas chercher à augmenter sa puissance extérieure mais progresser sur le long chemin de la "paix intérieure". Nous devons reconquérir notre propre souveraineté afin de créer de la valeur autour de nous. Alors peut-être accepterons-nous notre finitude, et apprécierons-nous la valeur et l’importance de notre contribution potentielle au monde. »[16]
Il s’agit de ne pas effacer la personne dans sa singularité derrière un prêt-à-penser dans lequel il faudrait se fondre, mais de permettre à chaque personne, en cohérence avec elle-même et avec ses ressources, ses valeurs et ses objectifs, de se déployer au mieux dans sa vie professionnelle et de nourrir des relations fructueuses avec d’autres personnes d’horizons variés.
[1] Les compétences du 21e siècle. Comment faire la différence ?, Dunod, 2018, p. 84.
[2] Jérémy Lamri, Michel Barabel, Tood Lubart et Olivier Meier, Le défi des soft skills : comment les développer au XXIe siècle ?, Dunod, 2022, p. 15.
[3] Organisation mondiale de la Santé, Life skills education in schools. Geneva, WHO, 1997.
[4] Passeport diplomatique, Grasset & Fasquelle, 2019, p. 11.
[5] Cela a commencé dans les annonces de recrutement de start-ups de la Silicon Valley.
[6] Jérémy Lamri, Michel Barabel, Tood Lubart et Olivier Meier, Le défi des soft skills : comment les développer au XXIe siècle ?, Dunod, 2022, p. 26-28.
[7] Julien Bouret, Jérôme Hoarau, Fabrice Mauléon, Soft Skills. Développer ses compétences comportementales, un enjeu pour sa carrière, préface de Rose Ollivier, Dunod, 2023, p. 6.
[8] Ibid., p. 17-18.
[9] Extrait de la préface, Jérémy Lamri, Les compétences du 21e siècle. Comment faire la différence ? Créativité, Communication, Esprit critique, Coopération, Dunod, 2018, p. X.
[10] Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Seuil, 2015, p. 122.
[11] Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Seuil, 2015, p. 22.
[12] Ibid, p. 22-23.
[13] La critique existe selon laquelle les soft skills perdent en valeur parce qu’elles ne peuvent pas être évaluées et que la progression dans l’apprentissage ne peut donc être mesurée : il suffit pourtant d’avoir des outils adaptés, en particulier sur le plan qualitatif.
[14] De manière générale, le développement de soi est en vogue en Occident, pour le meilleur et le pire. Toutes sortes de concepts, de méthodes et de méthodes se sont multipliées ces dernières années à l’aune de l’essor du business du développement personnel.
[15] Sous la direction de François Audet, Kennes, 2021, p. 11.
[16] Jérémy Lamri, Michel Barabel, Tood Lubart et Olivier Meier, Le défi des soft skills : comment les développer au XXIe siècle ?, Dunod, 2022, p. 244-245.
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